Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/317

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ce, l’embrasse dans son désespoir, il accèlere sa marche dès qu’il juge que le bien-être n’est plus fait pour lui.

Les hommes en différens âges & en différens pays ont porté des jugemens bien divers sur ceux qui ont eu le courage de se donner la mort. Leurs idées sur cet objet, comme sur tous les autres ont été modifiées par leurs institutions politiques & religieuses. Les grecs, les romains & d’autres peuples que tout conspiroit à rendre courageux & magnanimes, regardoient comme des héros & des dieux ceux qui tranchoient volontairement le cours de leur vie. Le bramine sçait encore dans l’Indostan donner aux femmes même assez de fermeté pour se brûler sur le cadavre de leurs époux. Le japonois sur le moindre sujet ne fait point difficulté de se plonger le couteau dans le sein.

Chez les peuples de nos contrées la religion rendit les hommes moins prodigues de leur vie : elle leur apprit que leur dieu, vouloit qu’ils souffrissent & qu’il se plaisoit à leurs tourmens, consentoit bien qu’ils travaillassent à se détruire en détail, qu’ils fissent ensorte de perpétuer leurs supplices, mais ne pouvoit approuver qu’ils tranchassent tout d’un coup le fil de leurs jours, ou disposassent de la vie qu’il leur avoit donnée.

Des moralistes, abstraction faite des idées religieuses, ont cru qu’il n’étoit jamais permis à l’homme de rompre les engagemens du pacte qu’il a fait avec la société. D’autres ont regardé le suicide comme une lâcheté ; ils ont pensé qu’il y avoit de la foiblesse & de la pusillanimité à se laisser accabler par les coups du destin, & ils ont