Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/318

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prétendu qu’il y auroit bien plus de courage & de grandeur d’ame à supporter ses peines & à résister aux coups du sort.

Si nous consultons là dessus la nature, nous verrons que toutes les actions des hommes, ces foibles jouets dans la main de la nécessité, sont indispensables & dépendantes d’une cause qui les meut à leur insçu, malgré eux, & qui leur fait accomplir à chaque instant quelqu’un de ses decrets. Si la même force qui oblige tous les êtres intelligens à chérir leur existence rend celle d’un homme si pénible & si cruelle qu’il la trouve odieuse & insupportable, il sort de son espèce, l’ordre est détruit pour lui, & en se privant de la vie il accomplit un arrêt de la nature, qui veut qu’il n’existe plus. Cette nature a travaillé pendant des milliers d’années à former dans le sein de la terre le fer qui doit trancher ses jours.

Si nous examinons les rapports de l’homme avec la nature, nous verrons que leurs engagemens ne furent ni volontaires du côté du dernier, ni réciproques du côté de la nature ou de son auteur. La volonté de l’homme n’eût aucune part à sa naissance, c’est communément contre son gré qu’il est forcé de finir, & ses actions ne sont, comme on l’a prouvé, que des effets nécessaires de causes ignorées, qui déterminent ses volontés. Il est dans les mains de la nature ce qu’une épée est dans sa propre main ; elle peut en tomber sans qu’on puisse l’accuser de rompre ses engagemens ou de marquer de l’ingratitude à celui qui la tient. L’homme ne peut aimer son être qu’à condition d’être heureux ; dès que la nature entière lui refuse le bonheur ; dès que tout ce qui l’entoure lui