Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/319

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devient incommode ; dès que ses idées lugubres n’offrent que des peintures affligeantes à son imagination, il peut sortir d’un rang qui ne lui convient plus, puisqu’il n’y trouve aucun appui ; il n’existe déjà plus ; il est suspendu dans le vuide ; il ne peut être utile ni à lui-même ni aux autres.

Si nous considérons le pacte qui unit l’homme à la société, nous verrons que tout pacte est conditionnel & réciproque, c’est-à-dire suppose des avantages mutuels entre les parties contractantes. Le citoyen ne peut tenir à la patrie, à ses associés que par le lien du bien-être ; ce lien est-il tranché, il est remis en liberté. La société ou ceux qui la représentent le traitent-ils avec dureté, avec injustice & lui rendent-ils son existence pénible ? L’indigence & la honte viennent-elles le menacer au milieu d’un monde dédaigneux & endurci ? Des amis perfides lui tournent-ils le dos dans l’adversité ? Une femme infidèle outrage-t-elle son cœur ? Des enfans ingrats & rebelles affligent-ils sa vieillesse ? A-t-il mis son bonheur exclusif dans quelqu’objet qu’il lui soit impossible de se procurer ? Enfin pour quelque cause que ce soit, le chagrin, le remords, la mélancolie, le désespoir ont-ils defiguré pour lui le spectacle de l’univers ? S’il ne peut supporter ses maux, qu’il quitte un monde, qui désormais n’est plus pour lui qu’un effroyable désert ; qu’il s’éloigne pour toujours d’une patrie inhumaine qui ne veut plus le compter au nombre de ses enfans ; qu’il sorte d’une maison qui le menace d’écrouler sur sa tête ; qu’il renonce à la société au bonheur de laquelle il ne peut plus travailler & que son propre bonheur peut seul lui rendre chère. Blâmeroit-on un homme qui se trouvant inutile & sans ressources