Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/342

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mes les plus heureux sont communément ceux qui possédent une ame paisible, qui ne désire que les choses qu’elle peut se procurer par un travail propre à maintenir son activité, sans lui causer des secousses trop importunes & trop violentes. Un philosophe, dont les besoins sont aisément satisfaits, étranger à l’ambition, content dans le cercle d’un petit nombre d’amis, est, sans doute, un être plus heureusement constitué, qu’un conquérant ambitieux, dont l’imagination affamée est réduite au désespoir de n’avoir qu’un monde à ravager. Celui qui est heureusement né ou que la nature a rendu susceptible d’être convenablement modifié n’est point un être nuisible à la société : elle n’est communément troublée que par des hommes mal nés, turbulens, mécontens de leur sort, énivrés de passions, épris d’objets difficiles, qui la mettent en combustion pour obtenir les biens imaginaires, dans lesquels ils ont fait consister leur bonheur. Il faut à un Alexandre des empires détruits, des nations baignées dans le sang, des villes réduites en cendres pour contenter cette passion pour la gloire dont il s’est fait une fausse idée & dont son imagination est altérée ; il ne faut à Diogène qu’un tonneau & la liberté de paroître bizarre ; il ne faut à Socrate que le plaisir de former des disciples à la vertu.

L’homme étant par son organisation un être à qui le mouvement est toujours nécessaire, doit toujours désirer ; voilà pourquoi une trop grande facilité à se procurer les objets, les rend bien-tôt insipides pour lui. Pour sentir le bonheur il faut des efforts pour l’obtenir ; pour trouver des charmes dans la jouissance, il faut que le desir soit irrité par des obstacles ; nous sommes sur le champ