Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/345

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dans le dégoût. Dispensé de travail, son corps amasse des humeurs ; dépourvu de desirs, son cœur tombe en langueur ; privé d’activité ; il est forcé de faire part de ses richesses à des êtres plus actifs, plus laborieux que lui ; ceux-ci, pour leur propre intérêt, se chargent du soin de travailler pour lui, de lui procurer ses besoins, de le tirer de sa langueur, de contenter ses fantaisies. C’est ainsi que les riches & les grands excitent l’énergie, l’activité, l’industrie de l’indigent ; celui-ci travaille à son propre bien-être en travaillant pour les autres ; c’est ainsi que le desir d’améliorer son sort rend l’homme nécessaire à l’homme ; c’est ainsi que les desirs toujours renaissans & jamais rassasiés sont le principe de la vie, de la santé, de l’activité, de la société. Si chaque homme se suffisoit à lui-même, il n’auroit nul besoin de vivre en société ; nos besoins, nos desirs, nos fantaisies nous mettent dans la dépendance des autres, & font que chacun de nous, pour son propre intérêt, est forcé d’être utile à des êtres capables de lui procurer les objets qu’il n’a pas lui-même. Une nation n’est que la réunion d’un grand nombre d’hommes liés les uns aux autres par leurs besoins ou leurs plaisirs ; les plus heureux y sont ceux qui ont le moins de besoins & qui ont le plus de moyens de les satisfaire.

Dans les individus de l’espèce humaine, ainsi que dans les sociétés politiques, la progression des besoins est une chose nécessaire ; elle est fondée sur l’essence de l’homme ; il faut que les besoins naturels une fois satisfaits soient remplacés par des besoins que nous nommons imaginaires ou besoins d’opinion ; ceux-ci deviennent aussi nécessaires à notre bonheur que les premiers. L’habitude qui