Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/347

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de les inviter à contenter ses desirs ; un sauvage n’a qu’à étendre la main pour cueillir le fruit qui suffit à sa nourriture, le citoyen opulent d’une société florissante est obligé de faire mouvoir des milliers de bras pour créer le repas somptueux & les mêts recherchés, devenus nécessaires pour réveiller son appétit languissant, ou pour flatter sa vanité. D’où l’on voit que dans la même proportion que nos besoins se multiplient nous sommes forcés de multiplier les moyens de les satisfaire. Les richesses ne sont autre chose que des moyens de convention, à l’aide desquels nous sommes à portée de faire concourir un grand nombre d’hommes à contenter nos desirs, ou de les inviter par leur intérêt propre à contribuer à nos plaisirs. Que fait l’homme riche sinon d’annoncer à des indigens qu’il peut leur fournir les moyens de subsister s’ils consentent à se prêter à ses volontés ? Que fait l’homme qui a du pouvoir, sinon de montrer aux autres qu’il est en état de leur fournir des moyens de se rendre heureux ? Les souverains, les grands, les riches ne nous paroissent heureux que parce qu’ils possédent des moyens ou des motifs suffisans pour déterminer un grand nombre d’hommes à s’occuper de leur bonheur.

Plus nous envisagerons les choses & plus nous nous convaincrons que les fausses opinions des hommes sont les vraies sources de leurs malheurs : le bonheur n’est si rare parmi eux que parce qu’ils l’attachent à des objets ou indifférens ou inutiles à leur bien-être ou qui se tournent en maux réels pour eux. Les richesses sont indifférentes en elles-mêmes, il n’y a que l’usage qu’on en sçait faire qui les rende utiles ou nuisibles. L’argent, in-