Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/355

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& la religion ne seroient des institutions raisonnables qu’autant que l’un & l’autre contribueroient à la félicité des hommes ; il y auroit de la folie à se soumettre à un joug dont il ne résulteroit que du mal ; il y auroit de l’injustice à forcer les mortels de renoncer à leurs droits sans avantage pour eux.

L’autorité qu’un père exerce sur sa famille n’est fondée que sur les avantages qu’il est supposé lui procurer. Les rangs dans les sociétés politiques n’ont pour base que l’utilité réelle ou imaginaire de quelques citoyens, en faveur de laquelle les autres consentent à les distinguer, à les respecter, à leur obéir. Le riche n’acquiert des droits sur l’indigent qu’en vertu du bien-être qu’il est en état de lui faire éprouver. Le génie, les talens de l’esprit, les sciences & les arts n’ont des droits sur nous qu’en raison de l’utilité, des agrémens & des avantages qu’ils procurent à la société. En un mot c’est le bonheur, c’est l’attente du bonheur, c’est son image que nous chérissons, que nous estimons, que nous adorons sans cesse. Les dieux, les monarques, les riches, les grands peuvent bien nous en imposer, nous éblouir, nous intimider par leur puissance ; jamais ils n’obtiendront la soumission volontaire de nos cœurs qui seuls peuvent conférer des droits légitimes, que par des bienfaits réels & des vertus. L’utilité n’est autre chose que le bonheur véritable ; être utile, c’est être vertueux ; être vertueux, c’est faire des heureux.

Le bonheur qu’on nous procure est la mesure invariable & nécessaire de nos sentimens pour les êtres de notre espèce, pour les objets que nous