Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/366

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nuis : mais il peut & il doit s’occuper à contenter les besoins réels de la multitude. Une société jouit de tout le bonheur dont elle est susceptible dès que le plus grand nombre de ses membres sont nourris, vêtus, logés, en un mot peuvent, sans un travail excessif, se procurer les besoins que la nature leur a rendus nécessaires. Leur imagination est contente, dès qu’ils ont l’assûrance que nulle force ne pourra leur ravir les fruits de leur industrie, qu’ils travaillent pour eux-mêmes. Par une suite des folies humaines, des nations entières sont forcées de travailler, de suer, d’arroser la terre de larmes, pour entretenir le luxe, les fantaisies, la corruption d’un petit nombre d’insensés, de quelques hommes inutiles, dont le bonheur est devenu impossible, parceque leur imagination égarée ne connoît plus de bornes. C’est ainsi que les erreurs religieuses & politiques ont changé l’univers en une vallée de larmes.

Faute de consulter la raison, de connoître le prix de la vérité, d’être instruits de leurs véritables intérêts, de sçavoir en quoi consiste le bonheur solide & réel, les princes & les peuples, les riches & les pauvres, les grands & les petits sont, sans doute, souvent très éloignés d’être heureux ; cependant si nous jettons un coup d’œil impartial sur la race humaine, nous y trouverons un plus grand nombre de biens que de maux. Nul homme n’est heureux en masse, mais il l’est en détail. Ceux qui se plaignent le plus amérement de la rigueur du destin tiennent pourtant à leur existence par des fils, souvent imperceptibles, qui les empêchent d’en sortir. En effet l’habitude nous rend nos peines plus légères ; la douleur suspendue devient une vraie jouissance ; chaque