Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/101

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Dieu ſpirituel, immatériel, n’eſt fait que pour occuper le loiſir de quelques hommes ſubtiles, qui n’ont pas beſoin de travailler pour ſubſiſter. La Théologie, cette ſcience ſi importante & ſi vantée, n’eſt utile qu’à ceux qui vivent aux dépens des autres, ou qui s’arrogent le droit de penſer pour tous ceux qui travaillent. Cette ſcience futile occupée de chimeres devient dans les ſociétés policées, qui n’en ſont pas plus éclairées pour celà, une branche de commerce très avantageuſe pour les Prêtres & très nuiſible pour leurs concitoyens, ſur-tout quand ils ont la folie de vouloir prendre part à leurs opinions inintelligibles.

Quelle diſtance infinie entre une pierre informe, un animal, un aſtre, une ſtatue & le Dieu ſi abſtrait que la Théologie moderne a revêtu d’attributs dans leſquels elle ſe perd elle même ! Le Sauvage ſe trompe, ſans doute, ſur l’objet auquel il adreſſe ſes vœux ; ſemblable à un enfant, il s’éprend du premier être qui frappe vivement ſa vue, ou il a peur de celui dont il croit avoir reçu quelque diſgrace ; mais au moins ſes idées ſont-elles fixées par un être réel qu’il a devant les yeux. Le Lapon, qui adore une roche, le Negre qui ſe proſterne devant un ſerpent monſtrueux, voient au moins ce qu’ils adorent : l’Idolâtre ſe met à genoux devant une ſtatue, dans laquelle il croit que réſide une vertu cachée qu’il juge utile ou nuiſible à lui-même : mais le raiſonneur ſubtile qu’on nomme Théologien dans les nations civiliſées, & qui, en vertu de ſa ſcience inintelligible, ſe croit en droit de ſe moquer du Sauvage, du Lapon, du Negre, de l’Idolâtre, ne voit pas qu’il eſt lui-même à genou devant un être qui n’exiſte que dans ſon propre cerveau, & dont il lui eſt impoſſible d’avoir