Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/126

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loigner de l’homme. Le Dieu Théologique eſt un être iſolé, qui dans le vrai ne peut avoir aucuns rapports avec aucuns des êtres que nous connoiſſons. Le Dieu moral n’eſt jamais qu’un homme, que l’on a cru rendre parfait, en écartant de lui par la penſée les imperfections de la nature humaine. Les qualités morales des hommes ſont fondées sur les rapports ſubſiſtans entr’eux ou ſur leurs beſoins mutuels. Le Dieu Théologique ne peut avoir des qualités morales ou des perfections humaines ; il n’a pas beſoin des hommes, il n’a aucuns rapports avec eux, vu qu’il ne peut y avoir de rapports qui ne voient réciproques. Un pur eſprit ne peut avoir des rapports avec des êtres matériels, au moins en partie ; un être infini ne peut avoir aucuns rapports avec des êtres finis ; un être éternel ne peut avoir des rapports avec des êtres périſſables & paſſagers. L’être unique, qui n’a ni genre ni eſpece, qui n’a point de ſemblables, qui ne vit point en ſociété, qui n’a rien de commun avec ſes créatures, s’il exiſtoit réellement, ne pourroit avoir aucunes des qualités que nous nommons perfections ; il ſeroit d’un ordre ſi différent des hommes que nous ne pourrions lui aſſigner ni vices ni vertus. On nous répete ſans ceſſe que Dieu ne nous doit rien, que nul être ne peut ſe comparer à lui, que notre entendement borné ne peut concevoir ſes perfections, que l’eſprit humain n’eſt point fait pour comprendre ſon eſſence : mais par celà même ne détruit-on point nos rapports avec cet être ſi diſſemblable, ſi disproportionné, ſi incompréhenſible ? Tous les rapports ſuppoſent une certaine analogie ; tous les devoirs ſuppoſent une reſſemblance & des beſoins réciproques ; pour rendre des devoirs à quelqu’un il eſt néceſſaire de le connoître.