Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/17

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tions, ne voyant point sur la terre d’agens assez puissans pour opérer les effets qui la troubloient d’une façon si marquée, portèrent leurs regards inquiets & leurs yeux baignés de larmes vers le ciel, où elles supposèrent que devoient résider des agens inconnus dont l’inimitié détruisoit ici bas leur félicité.

Ce fut dans le sein de l’ignorance, des alarmes & des calamités que les hommes ont toujours puisé leurs premières notions sur la divinité. D’où l’on voit qu’elles durent être ou suspectes ou fausses, & toujours affligeantes. En effet sur quelque partie de notre globe que nous portions nos regards, dans les climats glacés du nord, dans les régions brûlantes du midi, sous les zônes les plus tempérées, nous voyons que par-tout les peuples ont tremblé, & que c’est en conséquence de leurs craintes & de leurs malheurs qu’ils se sont fait des dieux nationaux, ou qu’ils ont adopté ceux qu’on leur apportoit d’ailleurs. L’idée de ces agens si puissans fut toujours associée à celle de la terreur : leur nom rappella toujours à l’homme ses propres calamités ou celles de ses pères ; nous tremblons aujourd’hui parce que nos ayeux ont tremblé il y a des milliers d’années. L’idée de la divinité réveille toujours en nous des idées affligeantes : si nous remontions à la source de nos craintes actuelles, & des pensées lugubres qui s’élèvent dans notre esprit toutes les fois que nous entendons prononcer son nom, nous la trouverions dans les déluges, les révolutions & les désastres qui ont détruit une partie du genre-humain, & consterné les malheureux échappés de la destruction de la terre ; ceux-ci nous ont transmis jusqu’à ce jour leurs frayeurs & les idées noires qu’ils se sont fai-