Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/275

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fondé l’édifice ruineux de la morale surnaturelle, que depuis tant de siécles l’on prêche inutilement aux habitans de la terre.

Quelle que soit la cause qui plaça l’homme dans le séjour qu’il habite, & qui lui donna ses facultés ; soit qu’on regarde l’espèce humaine comme l’ouvrage de la nature, soit qu’on suppose qu’elle doit son existence à un être intelligent distingué de la nature ; l’existence de l’homme, tel qu’il est, est un fait ; nous voyons en lui un être qui sent, qui pense, qui a de l’intelligence, qui s’aime lui-même, qui tend à se conserver, qui dans chaque instant de sa durée s’efforce de rendre son existence agréable, qui pour satisfaire plus aisément ses besoins & se procurer des plaisirs, vit en société avec des êtres semblables à lui, que sa conduite peut rendre favorables ou indisposer contre lui. C’est donc sur ces sentimens universels, inhérents à notre nature & qui subsisteront autant que la race des mortels, que l’on doit fonder la morale qui n’est que la science des devoirs de l’homme vivant en société.

Voilà donc les vrais fondemens de nos devoirs ; ces devoirs sont nécessaires, vu qu’ils découlent de notre propre nature, & que nous ne pouvons parvenir au bonheur que nous nous proposons, si nous ne prenons les moyens sans lesquels nous ne l’obtiendrions jamais. Or pour être solidement heureux, nous sommes obligés de mériter l’affection & les secours des êtres avec lesquels nous sommes associés ; ceux-ci ne s’engagent à nous aimer, à nous estimer, à nous aider dans nos projets, à travailler à notre félicité propre qu’autant que nous sommes disposés à travailler à la