Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/44

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haut ; il n’y eût que ceux qu’on jugea dignes d’être initiés aux mystères qui connurent la réalité masquée sous ces emblêmes.

En effet les premiers instituteurs des nations & leurs successeurs dans l’autorité ne leur parlèrent que par des fables, des énigmes, des allégories qu’ils se réservèrent le droit de leur expliquer. Ce ton mystérieux étoit nécessaire, soit pour masquer leur propre ignorance, soit pour conserver leur pouvoir sur un vulgaire qui ne respecte pour l’ordinaire que ce qu’il ne peut comprendre. Leurs explications furent toujours dictées par l’intérêt, par l’imposture, ou par l’imagination en délire ; elles ne firent de siécles en siécles que rendre plus méconnoissable la nature & ses parties, que dans l’origine l’on avoit voulu peindre ; elles furent remplacées par une foule de personnages fictifs, sous les traits desquels on les avoit représentées ; les peuples les adorèrent sans pénétrer le vrai sens des fables emblêmatiques qu’on en racontoit ; ces personnages idéaux & leurs figures matérielles, dans lesquelles on crut que résidoit une vertu divine & mystérieuse, furent les objets de leur culte, de leurs craintes, de leurs espérances ; leurs actions étonnantes & incroyables furent une source inépuisable d’admiration & de rêveries, qui se transmirent d’ âges en âges, & qui, nécessaires à l’existence des ministres des dieux, ne firent que redoubler l’aveuglement du vulgaire ; il ne devina point que c’étoit la nature, ses parties, ses opérations, les passions de l’homme & ses facultés qu’on avoit accablées sous un amas d’allégories[1] ; il n’eût des yeux que pour les personnages

  1. Les passions des hommes et leurs facultés furent divinisées, parce que les hommes ne purent en deviner les causes véritables.