Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/86

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nous montre qu’un génie malfaisant, dont la malice est un abîme inconcevable, & surpasse infiniment la cruauté des êtres les plus dépravés de notre espèce. Tel est néanmoins le dieu qu’on a le front de proposer pour modèle au genre-humain ! Telle est la divinité qu’adorent des nations même qui se vantent d’être les plus éclairées de ce monde !

C’est pourtant sur le caractère moral de la divinité, c’est-à-dire, sur sa bonté, sa sagesse, son équité, son amour de l’ordre, que l’on prétend fonder notre morale, ou la science des devoirs qui nous lient aux êtres de notre espèce. Mais comme ses perfections & ses bontés se démentent très souvent pour faire place à des méchancetés, à des injustices, à des sévérités cruelles, on est forcé de la trouver changeante, capricieuse, inégale dans sa conduite, en contradiction avec elle-même, d’après les façons d’agir si diverses qu’on lui attribue. En effet on la voit tantôt favorable & tantôt disposée à nuire au genre-humain ; tantôt amie de la raison & du bonheur de la société ; tantôt elle interdit l’usage de la raison, elle agit en ennemie de toute vertu, elle est flattée de voir la société troublée. Cependant, comme on a vu, les mortels écrasés par la crainte n’osent guère s’avouer que leur dieu soit injuste ou méchant, ni se persuader qu’il les autorise à l’être ; ils en concluent seulement que tout ce qu’ils font d’après ses ordres prétendus ou dans la vue de lui plaire, est toujours très bien, quelque nuisible qu’il paroisse d’ailleurs aux yeux de la raison. Ils le supposent le maître de créer le juste & l’injuste, de changer le bien en mal, & le mal en bien, le vrai en faux, la fausseté en vérité : en un mot ils