Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/388

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Et Priamos posséda Laothoè parmi toutes ses femmes, et elle eut deux fils, et tu les auras tués tous deux. En tête des hommes de pied tu as dompté Polydôros égal à un dieu, en le perçant de ta lance aiguë. Et voici que le malheur est maintenant sur moi, car je n’éviterai pas tes mains, puisqu’un dieu m’y a jeté. Mais je te le dis, et que mes paroles soient dans ton esprit : ne me tue point, puisque je ne suis pas le frère utérin de Hektôr, qui a tué ton compagnon doux et brave.

Et l’illustre fils de Priamos parla ainsi, suppliant ; mais il entendit une voix inexorable :

— Insensé ! ne parle plus jamais du prix de ton affranchissement. Avant le jour suprême de Patroklos, il me plaisait d’épargner les Troiens. J’en ai pris un grand nombre vivants et je les ai vendus. Maintenant, aucun des Troiens qu’un dieu me jettera dans les mains n’évitera la mort, surtout les fils de Priamos. Ami, meurs ! Pourquoi gémir en vain ? Patroklos est bien mort, qui valait beaucoup mieux que toi. Regarde ! Je suis beau et grand, je suis né d’un noble père ; une déesse m’a enfanté ; et cependant la mort et la moire violente me saisiront, le matin, le soir ou à midi, et quelqu’un m’arrachera l’âme, soit d’un coup de lance, soit d’une flèche.

Il parla ainsi, et les genoux et le cœur manquèrent au Priamide. Et, lâchant la lance, il s’assit, les mains étendues. Et Akhilleus, tirant son épée aiguë, le frappa au cou, près de la clavicule, et l’airain entra tout entier. Lykaôn tomba sur la face ; un sang noir jaillit et ruissela par terre. Et Akhilleus, le saisissant par les pieds, le jeta dans le fleuve, et il l’insulta en paroles rapides :

— Va ! reste avec les poissons, qui boiront tranquillement le sang de ta blessure. Ta mère ne te déposera point sur le lit funèbre, mais le Skamandros tourbillonnant t’emportera dans la vaste mer, et quelque poisson, sautant sur