Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/390

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Il parla ainsi, menaçant. Et le divin Akhilleus leva la lance Pèliade, et le héros Astéropaios, de ses deux mains à la fois, jeta ses deux lances ; et l’une, frappant le bouclier, ne put le rompre, arrêtée par la lame d’or, présent d’un dieu ; et l’autre effleura le coude du bras droit. Le sang noir jaillit, et l’arme, avide de mordre la chair, s’enfonça en terre. Alors Akhilleus lança sa pique rapide contre Astéropaios, voulant le tuer ; mais il le manqua, et la pique de frêne, en frémissant, s’enfonça presque en entier dans le tertre du bord. Et le Pèléide, tirant son épée aiguë, se jeta sur Astéropaios qui s’efforçait d’arracher du rivage la lance d’Akhilleus. Et, trois fois, il l’ébranla pour l’arracher, et comme il allait, une quatrième fois, tenter de rompre la lance de frêne de l’Aiakide, celui-ci lui arracha l’âme, l’ayant frappé dans le ventre, au nombril. Et toutes les entrailles s’échappèrent de la plaie, et la nuit couvrit ses yeux. Et Akhilleus, se jetant sur lui, le dépouilla de ses armes, et dit, triomphant :

— Reste là, couché. Il n’était pas aisé pour toi de combattre les enfants du tout-puissant Kroniôn, bien que tu sois né d’un fleuve au large cours, et moi je me glorifie d’être de la race du grand Zeus. Pèleus Aiakide qui commande aux nombreux Myrmidones m’a engendré, et Zeus a engendré Aiakos. Autant Zeus est supérieur aux fleuves qui se jettent impétueusement dans la mer, autant la race de Zeus est supérieure à celle des fleuves. Voici un grand fleuve auprès de toi ; qu’il te sauve, s’il peut. Mais il n’est point permis de lutter contre Zeus Kroniôn. Le roi Akhéloios lui-même ne se compare point à Zeus, ni la grande violence du profond Okéanos d’où sont issus toute la mer, tous les fleuves, toutes les fontaines et toutes les sources. Mais lui-même redoute la foudre du grand Zeus, l’horrible tonnerre qui prolonge son retentissement dans l’Ouranos.