Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/109

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Et de lui décocher, en retour, ces mots lestes :
« Déité, tu veux rire en parlant de départ,
Lorsque sur un radeau tu m’ordonnes de fendre
Des flots durs, périlleux, dont un vaisseau gaillard,
Que hâte un divin souffle, a peine à se défendre.
Je n’irai, malgré toi, déesse, en un radeau,
À moins que de ta lèvre un serment formidable
N’aille me prémunir contre un malheur nouveau. »

Calypso sur-le-champ, de l’air le plus aimable,
En lui prenant la main dit au brave en éveil :
« Il faut que tu sois plein de ruse et de prudence,
Pour oser me tenir un langage pareil.
J’atteste par la Terre et par le Ciel immense,
Et par les eaux du Styx (c’est le plus fort serment
Dont usent les grands dieux dans un besoin extrême),
Que je ne te prépare aucun autre tourment.
Mais je te presserai d’agir, comme moi-même
J’agirais sous le joug de la nécessité.
En effet, je suis juste ; au fond de ma poitrine
Habite la douceur et non la dureté. »

Promptement, sur ces mots, l’insulaire divine
Revint, le précédant ; Ulysse la suivit.
Lorsque furent rentrés et l’homme et la déesse,
Sur le siège d’Hermès l’infortuné s’assit.
La belle lui porta des mets de toute espèce,
Breuvages, aliments coutumiers aux mortels.
Elle, en face du preux, s’attabla très courtoise ;
Puis, ses femmes d’offrir le nectar et l’ambroise.
Tous deux goûtent alors aux plats substantiels.