Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/118

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« Prince, qui que tu sois, écoute ! Sur la rive,
Que j’invoquais, je fuis Neptune menaçant.
Pour les Immortels même il est intéressant,
L’homme errant comme moi, qui maintenant arrive
En ton sein, à tes pieds, après de tels assauts.
Pitié, grand roi ! mon cœur t’implore avec délice. »

Il dit ; le dieu suspend son cours, retient ses eaux,
Fait renaître un doux calme, enfin accueille Ulysse
Dans son lit : mais du preux faiblissent les genoux,
Les bras puissants ; la mer a brisé sa vaillance.
Son corps se gonfle, l’eau ruisselle en abondance
De son nez, de sa bouche, et sans souffle, sans pouls,
Il gît inanimé ; la fatigue le tue.
Quand il reprit haleine et put se redresser,
Du saint voile il eut soin de se débarrasser,
Et le jeta dans l’onde à maritime issue.
Son fidèle courant le remit sous la main
De la charmante Ino. Lui, s’éloignant du fleuve,
Alla parmi les joncs, baisa l’alme terrain
Et dit languissamment dans son âme à l’épreuve :
« Hélas ! qu’adviendra-t-il, qu’ai-je encore à souffrir ?
Si près d’ici je passe une nuit exposée,
La nuisible fraîcheur et l’humide rosée
Ensemble achèveront de me faire mourir.
Oui, d’un fleuve au matin se dégage un air rude.
Que j’aille à ce coteau, vers ces arbres épais,
Que sous un dru taillis, sans froid ni lassitude,
Je puisse du sommeil goûter enfin la paix,
Des fauves je serai peut-être la pâture. »

Tout pesé, le héros prend ce dernier parti.