Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/179

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Reconnaître là-bas ces nouveaux insulaires,
Savoir s’ils sont méchants, injustes et colères,
Ou bien religieux, partant hospitaliers. »
Alors me rembarquant, j’ordonne à mon élite
D’accourir au tillac, de larguer le câbleau ;
Mes hommes à leurs bancs se réinstallent vite,
Et de l’active rame ensemble ils frappent l’eau.

Quand nous avons atteint cette rive assez proche,
Nous voyons près des flots, à ses confins derniers,
Une caverne haute et noire de lauriers.
Chèvres, brebis en foule ont leur parc sous sa roche.
La cour ronde a pour murs d’immenses blocs pierreux,
Entremêlés de pins, d’ormeaux à vaste cime.
Là réside un pasteur, de stature altissime,
Qui paît seul son bétail, des autres dédaigneux,
Et dans l’isolement pratique l’injustice.
C’est un monstre effroyable ; il ne ressemble pas
Au commun des mortels, mais au mont qui hérisse
Son cône chevelu sur des sommets plus bas.

J’invite les garçons de mon cher équipage
À garder le bateau près du bord écumeux,
Et je pars, emmenant douze hommes de courage.
J’emportais dans une outre un vin noir et fameux
Dont m’avait honoré Maron, le fils d’Évanthe,
Pontife d’Apollon, d’Ismare citoyen.
Lui, sa femme et son fils, nous les avions d’entente
Protégés par respect, car il était gardien
Du saint bois de Phœbus. J’en reçus des dons rares :
Sept talents d’or massif, d’un travail souverain ;
Ensuite un bol d’argent ; finalement sa main