Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/202

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Je divise en deux corps mes compains eucnémides,
Et donne à chaque groupe un chef des mieux trempés.
Je suis l’un d’eux, et l’autre est le fier Euryloque.
On agite les sorts en un casque d’airain ;
Le nom d’Eurylochus se présente soudain.
Il part ; vingt-deux soldats, que le chagrin suffoque,
Le suivent, nous laissant dans mille afflictions.

Ils trouvent en un val la maison Circéenne,
Avec du marbre pur bâtie en avant-scène.
Autour se promenaient de grands loups, des lions,
Que Circe apprivoisa par des liqueurs expresses.
Bien loin de s’élancer sur ce monde à l’instant,
Leur longue queue en branle, ils lui font des tendresses.
Comme un groupe de chiens flatte un maître sortant
De table, car sa poche aux douceurs n’est tardive,
Ainsi les loups griffeurs, les lions caressaient
Mes gens qui d’épouvante à les voir frémissaient.
L’ost s’arrête au perron de la superbe Dive.
On l’entendait chanter d’un timbre harmonieux,
En brodant une toile immense, bellissime :
Des déesses tels sont les travaux précieux.
Or, le sous-chef Polite, un de ceux que j’estime
Et que j’aime le plus, s’adresse à ses guerriers :
« Amis, celle qui brode une toile si belle,
Dont les vifs gazouillis émeuvent ces piliers,
Est mortelle ou déesse. En hâte, qu’on l’appelle ! »
Il dit ; tous d’appeler, d’une éclatante voix.

Circé vient aussitôt, ouvre sa riche porte,
Les invite ; étourdis, ils entrent à la fois.
Mais, craintif, Euryloque en arrière se porte.