Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/211

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« Fantasque, souviens-toi des natales demeures ;
Si toutefois le Sort veut que tu sois sauvé
Et te rend ta patrie et ta maison puissante. »

Ils disent ; mon grand cœur s’est vite ravivé.
Nous passons tout le jour, jusqu’à la nuit tombante,
À goûter de bons mets, un vin délicieux.
Quand le soleil s’éteint et que l’ombre domine,
Mon escorte s’endort au toit silencieux.
Moi, rejoignant Circé sur sa couche divine,
J’embrasse ses genoux, l’oblige à m’écouter,
Et lui décoche alors ces paroles soudaines :
« Ô Circé, tiens-moi donc tes promesses certaines
D’un prompt départ ; j’en suis à m’impatienter,
Ainsi que mes compains qui font tous mon supplice,
En redoublant de pleurs, lorsque tu n’es plus là. »

La belle déité de répondre à cela :
« Céleste Laërtide, ingénieux Ulysse,
Sous mon toit, malgré vous, ne restez pas en vain.
Car il sied qu’un voyage encore te façonne ;
Il te faut voir Hadès, l’austère Perséphone,
Pour consulter l’esprit du prophète thébain
Tirésias, l’aveugle aux visions sans nombre.
À lui seul, quoique mort, Perséphone a donné
L’intellect ; le restant voltige à l’état d’ombre. »

Elle dit ; mon cher cœur demeure consterné.
Et je pleurais assis sur l’amoureuse couche ;
Je ne voulais plus vivre et revoir le soleil.
Après m’être roulé dans un deuil nonpareil,
Ces paroles enfin s’exhalent de ma bouche :