Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/22

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Dans une île orageuse, et des gens durs, funestes,
Le gardent quelque part contre sa volonté.
Pourtant je te l’annonce, inspiré des Célestes,
Et de mon pronostic l’effet sera prochain,
Quoique je sois profane en science augurale :
Bientôt il reviendra dans sa terre natale,
Eût-il le corps lié par des chaînes d’airain.
Il saura s’échapper, étant plein d’artifice.
Mais allons, réponds-moi, parle sincèrement :
Es-tu, déjà si grand, le fils de cet Ulysse ?
Ton front et tes beaux yeux sont les siens mêmement.
C’est que nous échangions des visites nombreuses,
Avant qu’il s’embarquât pour Troie, où, fédérés,
D’autres preux ont couru sur leurs galères creuses.
Depuis, Ulysse et moi, nous fûmes séparés. »

En ces mots répliqua le prudent Télémaque :
« Étranger, mon propos n’aura rien de menteur.
Je suis, selon ma mère, enfant du roi d’Ithaque ;
Pour moi, qu’en sais-je ? nul ne connut son auteur.
Ah ! que ne suis-je né d’un bon propriétaire,
Vieillissant dans la paix de son propre manoir !
Mais je descends, dit-on, si tu veux le savoir,
De l’homme qui souffrit le plus sur cette terre. »

La déesse à l’œil bleu, Minerve, repartit :
« Les dieux n’ont pas voulu que l’oubli t’enveloppe,
Puisque tel qu’on te voit t’enfanta Pénélope.
Mais allons, réponds vite et sois franc au débit :
Pourquoi ces frais, ce monde ? et quel besoin te presse ?
Est-ce une noce, un bal ? ce n’est pas un écot.
Voilà chez toi des gens dont l’allure transgresse