Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/28

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Pour que, de vos forfaits rétribuant la somme,
Zeus vous fasse expirer sans vengeance en ces lieux. »

Il dit ; et tous les chefs de se mordre la lèvre,
Surpris que Télémaque eût ce langage outré.
Soudain Antinoüs, par Eupithe engendré :
« Télémaque, des dieux tu tiendras cette fièvre
D’éloquence subite et d’aperçus hautains.
Puisse Zeus t’empêcher de ceindre dans Ithaque
Le bandeau paternel, malgré tes droits certains ! »

Immédiatement l’avisé Télémaque :
« Antine, devrais-tu te fâcher du propos,
Oui, je voudrais que Zeus m’accordât la couronne.
Prétends-tu que régner soit le pire des maux ?
Un roi n’est pas si mal ! chez lui l’argent foisonne
À l’instant, et lui-même obtient doubles égards.
Mais les Grégeois dans l’île ont toute une milice
De candidats princiers, jeunes gens ou vieillards.
Qu’on ensceptre l’un d’eux, puisque le noble Ulysse
Est mort : moi, je serai maître de ma maison
Et des serfs que m’acquit sa quote-part bellique. »

L’héritier de Polybe, Eurymachus, réplique :
« Il appartient aux Dieux de dire en leur saison
Qui des Grecs régnera sur l’île ithacéenne.
Pour toi, garde tes biens, gouverne ton palais ;
Ne crains pas que par force on t’en prive jamais,
Tant que se peuplera cette terre achéenne.
Mais je veux sur ton hôte, ami, t’interroger :
D’où vient-il ? de quel sol, d’après lui, peut-il être ?
Quelle est donc sa famille, et quels murs l’ont vu naître ?