Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



L’ESTOMAC

Jadis un estomac de gourmande mémoire.
Et pour qui, je croi, le premier
Fut inventé l’art de manger et boire
Plus que ne veut besoin notre vrai cuisinier,
Notre vrai médecin, si nous sçavions l’en croire.
Cet estomac étoit amoureux du ragoût,
De potages farcis et de fines entrées,
De piquans entremets, sophistiques denrées,
Qui font à l’appetit survivre encor le goût.
L’insatiable donc s’en donnant à cœur joie,
Ne disoit jamais : c’est assez.
Tant bien que mal il digeroit sa proie ;
Puis, sans rien dire, il vous envoie
Mauvais chile, et de-là se forme mauvais sang ;
Sang qui bien-tôt du corps rend toutes les parties
Languissantes, appesanties :

Toutes s’en trouvoient mal ; chacune avoit son rang.
Tantôt c’étoit bons maux de tête ;
Tantôt colique, ou bien douleurs de reins ;
Poitrine embarassée, ou rhumatisme en quête
De l’une ou l’autre épaule ; et pour combler la fête,
Dame goute entreprend et les pieds et les mains.