Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

N’allez pas vous répandre en de trop longs propos ;
Plus le sens est précis, et moins il nous échappe.
Gagnez-vous la mémoire en ménageant les mots.

D’elle-même parfois la fable est évidente ;
Le sens en saute aux yeux, et l’art
Défend alors qu’on le commente.
J’observe ici cette regle prudente.
Qui n’entendra pas mon renard ?
Un renard grand docteur, mais déja chargé d’âge,
Ne pouvant plus comme autrefois,
Assiéger les oiseaux, ni chercher loin ses droits,
De la ruse essaya l’usage.
Il se mit à prêcher, dit-on,
Contre la guerre injuste et l’appetit glouton.
Outre une morale si belle,
Il avoit forte voix, geste libre et bon ton,
L’air humble et grand dehors de zéle :
Pere renard se fit bien-tôt un nom ;
On dit que le lion eut desir de l’entendre ;
Pere renard refusa cet honneur.
Il avoit ses raisons, et qu’il sçut faire prendre
Pour crainte de s’enfler le cœur.
Outardes, poules, et mainte oye
S’en venoient en foule au sermon ;
On n’appréhendoit point de devenir sa proye ;
Son texte rassuroit tout l’auditoire oison.