Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/308

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Ne voit dans les cœurs des amans
Que caprices, qu’emportemens,
Qu’impatiens transports et dévorantes craintes ;
Les biens seulement en desirs ;
Chagrins réels sous l’ombre des plaisirs.

Le temps qui va son train amena la journée
Où le consultant doit opter.
Il marche en pompe au temple où doit s’éxécuter
De l’infaillible dieu la parole donnée.
Les hommes pour leurs intérêts
Le prioient de devenir femme ;
Il en avoit déja tous les attraits :
À quelque bagatelle près
Le ciel l’avoit designé dame.
L’autre sexe de son côté
Le supplioit d’être homme ; pourquoi ? Pour lui plaire ;
Et puis encor, de peur que sa beauté
Ne leur enlevât tout : chacun sçait son affaire.
L’anonime entre au temple, et le peuple à l’entour
Prête au choix qu’il va faire une oreille perplexe.
Dieux, laissez-moi, dit-il, tel que je vins au jour.
L’amitié me suffit. En me donnant un sexe,
Ne m’exposez point à l’amour.
Cette priere fut sage autant qu’imprévûë.
Les sexes sont sans doute établis à propos :
Mais en cela la nature eût en vûë
Ses intérêts plus que notre repos.