Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/97

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Il prend place sur une corne ;
Mais à peine s’est-il logé,
Qu’il plaint le pauvre bœuf, et juge à son air morne,
Qu’il se sent déja surchargé.
N’importe ; il faut suivre sa course ;
Eh ! Comment sans cette ressource,
Pouvoit-il voyager, et contenter son goût ?
Le bœuf lui tiendroit lieu de tout ;
D’hôtellerie ainsi que de voiture,
De lit, ainsi que de pâture :
À fatiguer le bœuf, le besoin le résout.
Ils partent donc. Déja de plaine en plaine
Ils ont franchi bien du chemin.
Lorsque le bœuf s’arrête et prend haleine,
Il est grévé ; mon dieu ! Que je lui fais de peine !
Dit le voyageur clandestin.
Si tourmenté de la saison brûlante,
De ses mugissemens l’animal frappe l’air,
Par vanité compatissante
Notre atome se fait leger.
Même, de peur d’amaigrir sa monture,
Vous l’eussiez vû sobre dans ses repas.
Faisons, se disoit-il, faisons chere qui dure ;
Je l’affoiblirois trop ; il n’arriveroit pas.
On arrive pourtant jusqu’à la capitale.
Cadet ciron sain et sauf arrivé,
Demande excuse au bœuf qu’il croit avoir crevé,
Qui me parle là-haut, dit d’une voix brutale
Messire bœuf ? C’est moi. Qui ? Me voilà.
Eh ! L’ami qui te sçavoit-là ?