Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/125

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désappris l’espérance. Les femmes surtout furent prises à ce magicien de la pensée.

Ce fut devers lui des adorations inouïes, les cœurs battaient à ses battements de cœur ; c’était plus qu’un poète : c’était un Messie. Les femmes romantiques s’épuisaient en œillades idolâtres, sa poésie avait le pouvoir d’élever toutes les âmes vers l’infini. On se consolait de la vie terre-à-terre par la vie supernaturelle. Chaque vers du poète nous emportait dans son vol ; aussi vivait-on bien moins chez soi que dans les astres. On ne songeait pas, comme aujourd’hui, à enfouir des trésors dans son intérieur, à faire un musée de sa maison, comme si on dût y vivre cent ans. L’ameublement lui-même faisait pitié à voir. On était à cent mille lieues de la chinoiserie et du japonisme. Ni tapis de Smyrne, ni tapisseries des Gobelins. À quoi bon, puisque l’esprit était toujours dehors ?

Ce fut la force du génie de Lamartine d’emporter ses contemporains dans les voyages