Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/139

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sceptre, elle releva le sceptre idéal de l’esprit. Il est vrai que, dans ses mains, c’était le sceptre de la beauté — de sa beauté. — Madame de Staël disait : « Cette femme, dont le caractère est exprimé par sa beauté même. »

Un jour, je suis allé serrer la main à Lamartine, rue de la Ville-l’Évêque, dans ce triste rez-de-chaussée, qui me sembla le vestibule de son tombeau. Je n’ai plus trouvé que l’ombre de Lamartine. Cette grande lumière s’était obscurcie ; chaque jour éteignait un rayon, la nuit éternelle tombait sur ce beau front. Il restait à son intelligence un seul sillon demi-lumineux qui lui permettait de penser encore, mais c’est en vain qu’il voulait soulever les nuées des horizons. La mort était là, déjà implacable avant de frapper. Il ne me dit presque rien, mais que son silence était éloquent ! Je retrouvai la bonté dans son regard, la bonté, la dernière vertu de cette grande âme. Quand je sortis, je fus frappé au cœur d’avoir vu l’humanité soumise à ses déchéances