Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/252

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trente-neuf ans à peine, allait chercher dans un meilleur monde l’éternel printemps rêvé par les poètes.

On dit que Chopin était un musicien : moi qui l’ai entendu et qui l’ai compris, je dis que c’était un poète, car c’était son âme plutôt que ses doigts qui frappait le piano. Comme tous les esprits passionnés il a donné sa vie à l’art et à l’amour. Au lieu de conserver pieusement dans son cœur l’inspiration, il a étendu ses bras, on pourrait dire ses ailes de feu, et il a répandu à profusion toutes les flammes de la vie.

La révolution de février avait chassé Chopin en Angleterre d’où il n’était revenu que pour mourir parmi nous comme autrefois Watteau. Chopin, qui croyait à la vie parce qu’il sentait encore quelque chose là, comme André Chénier, avait voulu rester à Paris, son vrai pays, puisque c’était le pays natal de son talent. Peu de jours avant sa mort il rêvait de donner une fête dans un grand appartement