Page:Houssaye - Souvenirs de jeunesse, 1830-1850.djvu/44

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bête curieuse ce fut Paganini : le grand violoniste n’avait pas trouvé mieux que cela dans tout Paris ; son triomphe fut rapide. Tout Paris vint au théâtre du Panthéon ; naturellement, moi qui jouais du violon, je fus un enthousiaste de tous les soirs, je devins même un ami du plus merveilleux des Orphées modernes.

Un soir, aux stalles de galerie, je me trouvai entre deux étranges créatures : une femme mûre dont les appas — style du temps — débordaient comme une averse, et une jeune fille toute fluette, d’une grâce idéale. On eût dit une création d’Angelico d’Afiesol, tant elle semblait envolée et envolante. Et jolie jusqu’à la beauté : yeux bleus, sous des cils noirs, une bouche dont on buvait le sourire, tout un paradis d’innocence et de candeur. On dit souvent : « Telle fille, telle mère. » Or, c’était la fille de la femme-futaille. J’aurais, volontiers, demandé à voir le père. Il n’y avait pas de père ou il y en avait trop.