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LABRADOR ET ANTICOSTI

loin en loin, par quelque féroce ennemi qui trouvait encore moyen de m’atteindre à travers les mailles de ma cotte d’armes[1].

Tels furent les agréments de la première soirée que nous passâmes à l’île d’Anticosti.

Dimanche, 7 juillet. — Il y a deux prêtres à bord, et pourtant l’équipage n’a pu aujourd’hui satisfaire au précepte de l’audition de la messe. Il y supplée en disant son chapelet, pendant que lespassagers récitent leur bréviaire.

Cet équipage agit toujours avec un ensemble parfait, ce qui étonne moins après qu’on a lu les détails que j’ai donnés sur sa composition. Aujourd’hui, vu l’absence du capitaine, c’est aussi l’équipage qui commande à bord, chose bien nouvelle dans les fastes de la marine.

Ce matin, sur les huit heures, comme il fait un léger vent d’est, l’équipage et les passagers unissent leurs efforts pour lever l’ancre et hisser les voiles, et nous partons pour la Pointe-Ouest de l’Anticosti. Mais la brise souffle toujours bien légèrement ; même elle cesse tout à fait de temps en temps, et nous n’avançons que lentement. Heureusement, la température est délicieuse, et ce serait le plus agréable des voyages de plaisir que nous faisons, si nous n’étions pas dégradés.

L’équipage étant forcément retenu tout entier à la barre du gouvernail, le soin de faire la cookerie repose sur les passagers. Au reste, les apprêts culinaires ne sont pas très absorbants à nord de l’Aida. Comme, d’après le programme élaboré à notre

  1. S’il y a des lecteurs qui n’ont pas encore eu l’occasion d’expérimenter A quel point le fléau des moustiques est terrible, le fait suivant leur en donnera un peu l’idée.

    J’ai lu quelque part, et ce n’est pas là, affirme-t-on, simple conte de voyageur, qu’il y a en certain endroit de l’Amérique du Sud, une rivière peu considérable, qui descend de la Sierra de St-Martha, et qui coule littéralement dans un lit d’or : c’est la rivière Volador, découverte par Élisée Reclus. Eh bien, toutes les tentatives que l’on a faites pour exploiter cette mine de sable d’or, qui s’y trouve en quantité fabuleuse, ont échoué à cause des moustiques qu’il y a là ! Tous les travailleurs que l’on y a envoyés ont dû battre en retraite. — Si l’on trouve que cela est raide…