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LABRADOR ET ANTICOSTI

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Dans l’après-dîner de ce jour, nous quittions l’Anse-aux-Fraises pour revenir sur nos pas, et attendre à West Point, chez M. Malouin, que le temps devînt favorable pour faire la traversée du fleuve. Le trajet s’opéra absolument de la même façon que la veille, par voiture et sur le bord du rivage encore en partie recouvert par la marée. La pointe de l’île que nous contournons est une côte d’une certaine élévation et généralement escarpée, recouverte de conifères rabougris dont les branches ont une inclinaison singulière, par suite évidemment de la violence des vents qui les fouettent avec fureur.

Il n’y avait pas une heure que nous étions arrivés à la Pointe-Ouest, lorsque le télégraphe, dont il y a ici un bureau confié à M. Malouin, apporta une dépêche à Monseigneur, l’informant de la crise politique survenue à Ottawa et de la démission des trois ministres français (juillet 1895), par suite de la tournure qu’avait prise la « question scolaire ». Sa Grandeur s’empressa de faire transmettre, par la même voie, ses félicitations aux démissionnaires. Quant à nous, ce jour-là et les suivants, nous tînmes quantité d’indignation meetings dont les journaux n’ont seulement pas dit un mot, et qui par conséquent n’ont pas eu le moindre effet sur l’opinion publique ni sur la conduite des événements, lesquels se sont arrangés comme ils ont pu, sans notre participation et de manière médiocrement heureuse.

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La Pointe-Ouest est l’endroit le plus occidental de l’île d’Anticosti. L’endroit est tout à fait isolé, puisqu’il n’y a aucune habitation entre la Baie-des-Anglais, au nord, et l’Anse-aux-Fraises, au sud. La solitude est donc parfaite, et j’en conseille la jouissance aux esprits fatigués des agitations de la politique,