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POINTE-AUX-ESQUIMAUX

Le homard, nous disent les savants, appartient au groupe des crustacés podophtalmaires, au sous-ordre des décapodes, à la division des macroures, à la famille des astacidés. Voilà le lecteur bien renseigné ! S’il ne l’est pas à son gré, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même. Pourquoi tout le monde n’est-il pas naturaliste ?

Assurément l’on n’est pas obligé de savoir tout ce qui peut se savoir concernant les macroures, et en particulier les homards et les écrevisses. Mais il y a toujours bien, dans leur histoire naturelle, deux faits très curieux qu’il ne serait pas convenable d’ignorer, et que je vais rappeler en faveur des plus jeunes de mes lecteurs.

Ces crustacés sont, comme on sait, recouverts entièrement d’une enveloppe fort dure qui reste toujours ce qu’elle est, sans augmentation d’épaisseur, ni de volume. Or l’animal qui est là-dedans, acquiert de la taille chaque année. Et voici le problème qui se présente : le contenu accroît son volume, tandis que le contenant n’éprouve aucun changement. Eh bien, la solution de la difficulté n’est pas plus embarrassante pour le homard et l’écrevisse, que pour cet enfant qui grandit ou monsieur un tel qui se voit envahi par un malencontreux embonpoint. Toute la différence est dans le procédé, qui, chez nous, ne manque pas d’être compliqué : car il nous faut aller chez le marchand, et débattre avec lui une quantité de questions sur le tout-laine, le mi-coton, la double ou simple largeur, le prix de la verge ; ensuite, passer par les mains du tailleur qui, à son gré, nous mesure à son aune ; recevoir le vêtement nouveau quinze jours après le temps convenu, et constater alors, à grand renfort d’interjections très énergiques, qu’il est trop juste, qu’il nous serre déjà. Je crois bien ! Nous avons encore engraissé durant tout ce temps-là… Ah ! si les gens maigres s’imaginent que c’est amusant de prendre de l’embonpoint !

Vivent les macroures ! Ils n’ont, eux, qu’à se laisser vivre, et à attendre. Car tout vient à point à qui sait attendre.