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NATASHQUAN

ces Acadiens leur départ de la Côte Nord. « Mortels lâches et sans cœur, s’écrie-t-il d’une voix irritée, pourquoi » etc.

Mais nos pauvres émigrants n’étaient pas alors en veine de poésie ; l’épopée n’était pas leur fait, et personne ne s’imagina voir le Vieux du Labrador et entendre son allocution. Beaucoup des voyageurs étaient en proie au mal de mer, et l’on sait à quel point le mal de mer est prosaïque. On se lamentait dans ce pittoresque patois acadien : « Ce n’étiont pas la peine de venir nous chercher pour nous faire périr en pleine mer ; j’étions capables de mourir chez nous Je ne sons plus capables d’étaler Je me mourons ! — Courage ! s’écriait alors un compatissant voisin, courage ! Encore un élan, et je serons mieux ! »

La tempête s’apaisa, le voyage se continua heureusement, on débarqua à Lévis, et l’on s’installa dans les salles destinées à loger les émigrants d’Europe. Huit jours plus tard, nos Labradoriens se rendirent par chemin de fer à Saint-François de Beauce. M. l’abbé B. Bernier, curé de Saint-Georges, et M. l’abbé B. Demers, curé de Saint-François, firent appel à la charité de leurs paroissiens, et ces braves gens transportèrent jusqu’à Saint-Côme de Kennébec les nouveaux colons et leurs effets de ménage. À Saint-Côme, où il fallait passer la nuit, chacun voulut donner l’hospitalité à l’une de ces familles. Le lendemain, on dirigea sur Saint-Zacharie cinq familles qui devaient se fixer dans le canton de Metgermette, tout près de la frontière des États-Unis. Quant aux autres familles, on voulait les établir dans les cantons de Jersey et de Marlow, situés sur la rive droite du cours supérieur de la rivière Chaudière ; mais il n’y avait là aucune habitation pour les recevoir. En attendant, on les logea dans une vaste construction bâtie, à cinq milles de l’église, par une compagnie minière de Boston.

Sous la conduite de quelques employés du gouvernement, les hommes se mirent à construire des habitations en bois rond dans Jersey et Marlow ; aussitôt que l’une de ces maisons devenait logeable, on y installait deux familles. Au mois de janvier, tout le monde se trouva logé.