Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/124

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la rapidité de ses eaux. Dès le premier jour de navigation, la jonque qui portait la femme et les enfants du mandarin fit naufrage et fournit au P. Ricci l’occasion de montrer son courage et son dévouement. Ce fut grâce à son activité et à son intelligence qu’on n’eut à regretter la perte de personne. Le lendemain, un affreux coup de vent lança contre un récif le navire où se trouvait le P. Ricci ; il sombra, et tous les passagers furent précipités au fond de l’eau. Le zélé fondateur des missions de Chine fut tout providentiellement sauvé de ce prochain danger de mort. En se débattant au milieu des flots, il eut le bonheur de rencontrer sous sa main un gros cordage qui lui servit à remonter au-dessus de l’eau et à grimper sur la jonque toujours renversée sur le flanc. Un des jeunes novices que le missionnaire avait emmenés fut moins heureux et demeura enseveli au fond du fleuve. Il se nommait Jean Barrados.

Effrayé de tous ces accidents, le mandarin refusa de continuer une si périlleuse navigation. Il débarqua et résolut d’aller par terre jusqu’à Péking, accompagné seulement des domestiques qui lui étaient absolument nécessaires. Convaincu que la présence du religieux européen lui portait malheur, il ne voulut plus l’avoir à sa suite et lui conseilla de retourner à Tchao-Tcheou. Cependant, cédant à ses instances et à ses supplications, il lui permit d’aller à Nanking, et lui donna même des lettres de recommandation pour les officiers civils et militaires qu’il rencontrerait sur son chemin.

Voilà donc l’intrépide apôtre de la Chine lancé maintenant, seul et sans protection, au milieu de cet