Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/207

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heureux peuple. On se pressait, on criait, le rivage était encombré de meubles de toute sorte ; on eût dit que la fameuse flotte était en vue et qu’on n’avait plus le temps de se mettre à l’abri. Dans quelques jours il ne resta plus à Macao que les Portugais et leurs esclaves nègres.

Lorsque ces bandes de fuyards arrivèrent à Canton, elles communiquèrent à la ville entière l’épouvante dont elles étaient bouleversées. Les magistrats, les mandarins de terre et de mer, le peuple, tous les habitants de la ville, depuis le vice-roi jusqu’au dernier des portefaix, tout le monde fut convaincu qu’on allait bientôt devenir la proie des diables occidentaux. On convoqua la milice, on arma les jonques de guerre, on renforça les corps de garde qui veillent jour et nuit au haut des remparts, et, afin de mieux se préparer à la défense, on fit abattre toutes les maisons bâties en dehors des murailles du côté du fleuve. Il y en eut, dit-on plus de mille qui furent démolies de fond en comble. Pour plus de sûreté on fit murer à granit et à chaux les portes de cette partie de la ville, et l’on publia dans tous les quartiers un édit par lequel il était expressément défendu à tout citoyen de recevoir dans sa maison aucun habitant de Macao, « parce que, ajoutait l’édit, l’un d’eux, nommé Ko-ti-niou (Cataneo), veut s’emparer de l’empire. » Le vice-roi, ne se contentant pas de ces formidables précautions, expédia une estafette à Péking, pour avertir l’empereur du danger qui le menaçait. Les missionnaires de la capitale eurent beaucoup à souffrir de cette étonnante affaire, qui fut sur le point d’anéantir toutes les missions de la Chine.