Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/229

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La caravane ne tarda pas à s’engager dans les déserts de Gobi, immenses plaines sablonneuses où on ne rencontre pas un brin d’herbe, pas une source d’eau vive. Nous avons nous-mêmes traversé cette mer de sable mouvant et tellement fin qu’en le touchant on le sent couler entre ses doigts comme un liquide. L’aspect triste et monotone de ces immenses sablières n’est interrompu que par les vestiges de quelques petits insectes, qui, dans leurs ébats capricieux et vagabonds, décrivent mille arabesques sur ce sable blanchâtre, et d’une si grande ténuité, qu’on pourrait suivre tous les tours et détours d’une fourmi sans jamais en perdre les traces.

Après avoir supporté durant plusieurs jours les horribles tourments de la soif, le P. Goès arriva enfin à Kia-yu-Kouan, ville frontière de l’empire chinois, située vers la pointe nord de la province du Kan-Sou, à l’endroit même où finit la grande muraille. Cet ouvrage fameux, dont on a tant parlé sans pourtant le connaître suffisamment, mérite que nous en disions quelques mots. On sait que l’idée d’élever des murailles pour se fortifier contre les incursions des ennemis n’a pas été particulière à la Chine ; l’antiquité nous offre plusieurs exemples de semblables travaux. Outre ce qui fut exécuté en ce genre chez les Syriens, les Égyptiens et les Mèdes, une muraille fut construite en Europe, au nord de la Grande-Bretagne, par ordre de l’empereur Septime-Sévère. Cependant aucune nation n’a rien fait d’aussi grandiose que la grande muraille élevée par Tsin-Che-Hoang-Ti, l’an 214 de Jésus-Christ ; les Chinois la nomment Wan-Li-Tchang-Tching, le grand mur de dix mille