Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/254

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des grands, fournir à la subsistance des missionnaires et des pauvres, être tout à tous, et s’oublier sans cesse soi-même pour ne s’occuper que de Dieu et de son œuvre : telle fut la charge de Matthieu Ricci durant son long séjour en Chine. Il la remplit toujours avec exactitude, et, comme nous l’avons déjà observé, il trouva encore le temps de composer en chinois d’excellents ouvrages sur la morale et sur la religion. Celui qui est intitulé Tien-Tchou-Che-Y, ou Véritable démonstration du Seigneur du ciel, est regardé en Chine même comme un modèle pour sa netteté et l’élégance du style. Le succès prodigieux qu’il eut parmi les lettrés, prouve que les Chinois sont capables de suivre les raisonnements les plus subtils et les plus déliés. Ce livre est une réfutation des erreurs principales qui règnent en Chine et une sorte de préparation à l’Évangile. L’auteur y établit solidement l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme, la liberté de l’homme ; et, en détruisant tous les systèmes du paganisme et de l’irréligion, il prépare les esprits à la connaissance d’un Dieu créateur et libérateur.

Le zèle courageux, infatigable, mais sage, patient, circonspect, lent pour être plus efficace, et timide pour oser davantage, devait être, dit le P. d’Orléans, le caractère de celui que Dieu avait destiné pour être l’apôtre d’une nation délicate, soupçonneuse, et naturellement ennemie de tout ce qui est étranger et ne nuit pas dans son pays. Il fallait ce cœur vraiment magnanime pour recommencer tant de fois un ouvrage si souvent ruiné, et savoir si bien profiter des moindres ressources. Il fallait ce génie supérieur, ce rare et profond savoir, pour se rendre respectable à des gens ac-