Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/266

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et l’adversaire des innovations et des étrangers. Ces motifs eussent été peut-être insuffisants pour déterminer l’assesseur de la cour des rites à déclarer la guerre au christianisme. Mais, malheureusement pour les missions, il vint s’en joindre un autre bien puissant et auquel il est très-difficile à un Chinois de résister. Les bonzes de Nanking, effrayés de voir leurs pagodes et leurs cérémonies de plus en plus abandonnées et méprisées des populations, firent un effort généreux pour se sauver d’une ruine complète. Ils se cotisèrent, firent secrètement des collectes chez les dévots bouddhistes, et offrirent à l’assesseur dix mille onces d’argent pour prix de l’expulsion des missionnaires. La haine et la colère de Kio-Tchin étant à leur comble, une telle somme jetée à propos devait nécessairement les faire déborder.

Avant d’accuser les missionnaires officiellement devant l’empereur, l’assesseur Kio-Tchin arrangea avec beaucoup d’adresse son plan d’attaque. Il se fit adresser par les bacheliers de Nanking un mémoire où l’on réclamait son intervention pour faire chasser ces dangereux étrangers, qui s’étaient furtivement introduits dans l’empire, avec le projet d’y opérer une révolution. Des hommes honnêtes et vertueux, disaient-ils, abandonnent-ils ainsi leurs familles et leurs biens pour s’en aller courir le monde et vivre dans des contrées inconnues ? Un voisin de la résidence des missionnaires déclarait que plusieurs fois pendant l’année il se tenait dans la maison des étrangers, sous prétexte de religion et de prière, des assemblées d’une multitude considérable d’hommes et de femmes, qui s’en retournaient ensuite chez eux avant le jour ; qu’on donnait à tous