Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/59

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il entra en fureur, la leur arracha des mains et la foula aux pieds en s’écriant : « Insensés que vous êtes, que prétendez-vous donc faire avec une patente d’un vice-roi destitué ? Tenez, reprenez votre inutile papier et retournez promptement à Macao, au milieu des vôtres ! »

Les pauvres missionnaires prirent congé de cet insolent mandarin, tout contristés de leur mésaventure, mais non découragés. Ils allèrent chercher un peu de repos dans une hôtellerie et se déterminèrent à tenter un coup plein de hardiesse. Accompagnés d’un jeune néophyte chinois qui leur servait d’interprète, ils se rendirent résolument au port, au moment où la jonque de passage pour Canton allait mettre à la voile. Le capitaine, voyant ces deux étrangers qui se disposaient à monter à bord avec leur petit bagage, fut saisi de crainte et refusa net de les recevoir. Mais l’interprète des religieux se présenta, et lui montrant avec aplomb la patente du vice-roi munie du grand sceau officiel : — Tu es donc fou, mon frère aîné, lui dit-il comment, tu ne veux pas recevoir dans ton navire des hommes qui ont un passe-port du vice-roi ? — Le capitaine, à la vue de cette superbe pancarte, recula respectueusement et laissa passer les étrangers.

Ce prompt succès ne mena pas fort loin les missionnaires. Les autres passagers, médiocrement séduits par l’exhibition du passe-port, n’étaient préoccupés que du danger de se compromettre en voyageant de compagnie avec deux barbares. Ils effrayèrent tellement le capitaine que celui-ci, avant de lever l’ancre, enjoignit aux missionnaires de débarquer, et afin de ne laisser aucun doute sur l’irrévocabilité de