Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/94

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bondance, se bien vêtir, faire des cadeaux aux mandarins, alors qu’ils ne travaillaient pas, ne trafiquaient pas et ne cultivaient pas la terre. Évidemment ils étaient en possession du secret de fabriquer de l’argent avec le mercure.

Parmi les Chinois que les jésuites de Macao avaient baptisés, il y en avait un qui avait reçu le surnom de Martin. C’était un assez mauvais chrétien, très-absorbé par le soin d’amasser des sapèques et médiocrement occupé du salut de son âme. Il se rendit à Tchao-King, sous prétexte de dévotion, mais en réalité afin d’exploiter et de piller un peu les missionnaires. Le P. Roger lui fit bon accueil le chargea même dans la maison de plusieurs offices importants, espérant par là le ramener à des sentiments plus conformes à sa profession de chrétien.

Il y avait à Tchao-King deux nouveaux convertis, ardents alchimistes et vivant journellement au milieu des fourneaux, des creusets et des alambics mais ils n’avaient encore fait aucune importante découverte. Or un jour le Chinois Martin alla les trouver, les mena mystérieusement au fond de leur laboratoire et leur dit, en grande confidence, que le P. Roger savait faire l’argent, qu’il lui avait promis de lui enseigner le secret, mais à condition qu’il ne le communiquerait à personne. À cette révélation, les deux alchimistes virent s’ouvrir devant eux comme un monde nouveau, et ils comprirent combien il leur importait de faire la cour à Martin. Martin était pauvre et vaniteux ; ils lui achetèrent un habit neuf, un bel habit en soie, l’invitèrent à venir loger chez eux, où tous les jours on lui faisait faire excellente chère. Voilà donc Martin