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de conduire des chameaux ; aussi presque à chaque instant nous étions obligés de faire halte, tantôt pour arranger quelque bout de corde ou de bois qui blessait les animaux, tantôt pour consolider nos bagages mal assurés, et qui sans cesse menaçaient de chavirer. Malgré ces retards continuels nous avancions pourtant ; mais c’était toujours avec une inexprimable lenteur. Après avoir parcouru trente-cinq lis[1], nous sortîmes des champs cultivés, pour entrer dans la Terre-des-herbes. La marche fut alors plus régulière, les chameaux se trouvaient plus à leur aise au milieu du désert, et leurs pas semblaient devenir plus rapides.

Nous gravîmes une haute montagne ; mais les dromadaires savaient se dédommager de la peine qu’ils prenaient, en broutant à droite et à gauche de tendres tiges de sureau, ou quelques feuilles de rosier sauvage. Les cris que nous étions obligés de pousser, pour aiguillonner ces animaux nonchalants, allaient donner l’épouvante à des renards, qui sortaient de leurs tanières et s’enfuyaient à notre approche. A peine fûmes-nous arrivés sur le sommet de cette montagne escarpée, que nous aperçûmes dans l’enfoncement l’auberge chrétienne de Yan-Pa-Eul. Nous nous y acheminâmes, et la route nous fut continuellement tracée par de fraîches et limpides eaux, qui, sortant des flancs de la montagne, vont se réunir à ses pieds et forment un magnifique ruisseau qui entoure l’auberge. Nous fûmes reçus par l’aubergiste en chef, ou, en style chinois, par l’intendant de la caisse.

  1. Le li chinois est le dixième de la lieue de France.