Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/68

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du midi que viennent les rebelles, nous devons marcher au midi. N'est-ce pas, Seigneurs Lamas, que la raison se trouve dans ces paroles ? Oui, nous devions marcher ... La sainte ordonnance parut au soleil levant, et déjà à midi les Bochehons, à la tête de leurs hommes, se grouppèrent autour des Tchouanda ;les Tchouanda se réunirent au Nourou-Tchayn ; là, nous attendait le Ougourda, et le jour même nous marchâmes sur Péking : de Péking on nous conduisit à Tien-Tsin-Veï où nous sommes restés trois mois. — Vous êtes-vous battus ? avez-vous vu l'ennemi, demanda Samdadchiemba ? — Non, il n'a pas osé paraître. Les Kitat nous répétaient partout, que nous marchions à une mort certaine et inutile. Que ferez-vous, nous disaient-ils, contre des monstres marins ? Ils vivent dans l'eau, comme des poissons ; quand on s'y attend le moins, ils paraissent à la surface, et lancent des Si-Koua (1)[1] enflammés. Aussitôt qu'on bande l'arc pour leur envoyer des flèches, ils se replongent dans l'eau comme des grenouilles. Ils cherchaient ainsi à nous effrayer ; mais nous autres soldats des huit bannières, nous n'avons pas peur. Avant notre départ, les grands Lamas avaient ouvert le livre des secrets célestes, et nous avaient assuré que l'affaire aurait une heureuse issue. L'empereur avait donné à chaque Tchouanda un Lama instruit dans la médecine et initié à tous les prestiges sacrés ; ils devaient nous guérir des maladies du climat, et nous protéger contre la magie des monstres marins. Qu'avions-nous donc à craindre? Les rebelles, ayant appris que les invincibles milices

  1. Si-Koua veut dire citrouille d'occident ; c'est le nom qu'on donne au melon d'eau. Les Chinois ont nommé Si-koua-pao, les bombes européennes.