Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/90

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riait. Enfin, on me dit de n'avoir pas peur, que Nasamboyan n'était pas mort. Un instant après Nasamboyan parut ; il était en effet plein de vie. Il avait pourtant à la figure une large meurtrissure. Le coup que je lui avais donné l'avait seulement étourdi et renversé...

Quand le Dchiahour eut terminé sa narration, il nous regardait, tantôt l'un, tantôt l'autre, riant et répétant sans cesse, qu'un homme pouvait vivre trois jours sans manger. « Samdadchiemba, lui dîmes-nous, voilà, sans contredit, qui est un beau commencement. Mais tu n'as pas encore dit combien tu avais tué d'hommes. — Je n'ai tué personne ; et c'est, je crois, parce que je suis resté peu longtemps dans mon pays des Trois-Vallons. A l'âge de dix ans, on me fit entrer dans une grande lamaserie. J'eus pour maître un vieux Lama très-rude ; tous les jours, il me donnait des coups de barre, parce que je ne savais pas répéter les prières qu'il m'enseignait. Mais il avait beau me battre, c'était inutilement ; je n'apprenais jamais rien. Alors il cessa de me faire étudier, et je fus chargé d'aller chercher de l'eau et de ramasser des argols, Cependant je n'étais pas pour cela à l'abri des coups. Cette vie finit par me devenir insupportable. Un jour je m'échappai, et je courus du côté de la Tartarie. Après avoir marché quelques jours à l'aventure, et sans savoir où j'allais, je fis la rencontre d'un grand Lama qui se rendait à Péking. Je me mis à la suite de cette nombreuse caravane, et je fus employé à chasser un troupeau de moutons qui servait à la nourriture de la troupe. Il n'y avait pas de place pour moi sous les tentes, et j'étais obligé de dormir en plein air. Un jour, j'avais été me coucher, à