Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/29

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hideuse misère, était pour nous un pays inexplicable. Nous nous demandions comment des hommes pouvaient se résigner à habiter un pays affreux, stérile, sans eau, éloigné de tout pays habité, et par-dessus tout, désolé par de continuelles incursions de brigands. Quel pouvait être leur but ? quel avantage leur présentait une position de ce genre ? Nous avions beau chercher, beau faire des suppositions, le problème demeurait toujours insoluble. Pendant la première veille de la nuit, nous causâmes beaucoup avec l'aubergiste, qui nous parut avoir assez de franchise dans le caractère. Il nous raconta une foule d'anecdotes de brigands, toutes remplies de combats, de meurtres et d'incendies. — Mais enfin, lui dîmes-nous, que n'abandonnez-vous ce détestable pays ? — Oh! nous répondit-il, nous ne sommes pas libres. Nous autres, habitants de Kao-Tan-Dze, nous sommes tous des exilés. Nous sommes dispensés d'aller jusqu'à Ili, à condition que nous resterons ici sur la route, pour fournir de l'eau aux Mandarins et aux soldats qui conduisent les exilés. Nous sommes obligés d'en donner gratis à tous les employés du gouvernement qui passent par ici. — Aussitôt que nous sûmes que nous étions parmi des exilés, nous fûmes un peu rassurés. Nous inclinâmes à croire qu'ils n'étaient pas de connivence avec les brigands ; car ils avaient parmi eux une espèce de petit Mandarin chargé de les surveiller. Un instant, nous eûmes l'espérance de trouver des chrétiens à Kao-Tan-Dze ; mais l'aubergiste nous assura qu'il n'y en avait aucun. Il nous dit que les exilés pour la religion du Seigneur du Ciel allaient tous à Ili.

D'après tout ce que nous dit l'aubergiste, nous crûmes que nous