Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/40

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les arbres rompus ou déracinés, des maisons dépouillées de leur toiture, des champs ravagés et presque entièrement privés de leur terre végétale. Avant la fin du jour, nous arrivâmes à Tchoang-Long, plus vulgairement appelé Ping-Fang. Cette ville n'offre rien de remarquable ; son commerce est assez florissant, et la ville, prosaïquement taillée sur les patrons ordinaires, ne présente aucun trait particulier ni de beauté ni de laideur. Nous allâmes loger à l' Hôtel des trois Rapports sociauxSan-Kan-Tien, — où nous eûmes affaire avec l'aubergiste le plus aimable et le plus caustique que nous ayons jamais trouvé. C'était un Chinois pur-sang. Pour nous donner une preuve de sa sagacité, il nous demanda sans tergiverser, si nous n'étions pas Anglais ; et afin de ne laisser aucun doute à sa question, il ajouta, qu'il entendait par Ing-Kie-Li les diables marins (Yang-Koueï-Dze) qui faisaient la guerre à Canton. — Non, nous ne sommes pas Anglais ; nous autres, nous ne sommes diables d'aucune façon, ni de mer, ni de terre. — Un désœuvré vint tort à propos détruire le mauvais effet de cet interpellation intempestive. — Toi, dit-il à l'aubergiste, tu ne sais pas regarder les figures des hommes. Comment oses-tu prétendre que ces gens-là sont des Yang-Koueï-Dze ? Est-ce que tu ne sais pas que ceux-ci ont les yeux tout bleus et les cheveux tout rouges ? — C'est juste, dit l'aubergiste, je n'avais pas bien réfléchi. — Non, certainement, ajoutâmes-nous, tu n'avais pas bien réfléchi. Crois-tu que des monstres marins pourraient, comme nous, vivre sur terre, et seraient capables d'aller à cheval ? — Oh! c'est juste, c'est bien cela ; les Ing-Kie-Li ; dit-on, n'osent jamais quitter la mer ; aussitôt qu'ils montent à