Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/41

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terre, ils tremblent et meurent comme les poissons qu'on met hors de l'eau. — On parla beaucoup des mœurs et du caractère des diables marins, et d'après tout ce qui en fut dit, il demeura démontré que nous n'étions pas du tout de la même race.

Un peu avant la nuit, il se fit une grande agitation dans l'auberge ; c'était un Bouddha-vivant, qui arrivait avec son nombreux cortège. Il était de retour d'un voyage dans le Thibet, sa patrie, et se dirigeait vers la grande lamaserie dont il était le supérieur depuis un grand nombre d'années ; elle était située dans le pays des Khalkhas, non loin des frontières russes. Quand il fit son entrée dans l'auberge, une grande multitude de zélés bouddhistes, qui l'attendait dans la cour, se prosterna la face contre terre. Le Grand-Lama entra dans l'appartement qui lui avait été préparé ; et la nuit ne tardant pas à venir, la foule se retira. Quand l'auberge fut devenue un peu plus solitaire, ce personnage étrange voulut donner un libre cours à sa curiosité ; il se mit à parcourir toute l'auberge, entrant par tout et adressant la parole à tout le monde, sans pourtant s'asseoir, ni s'arrêter nulle part. Comme nous nous y attendions, il vint aussi dans notre chambre. Quand il entra, nous étions gravement assis sur le Kang ; nous affectâmes de ne pas nous lever pour le recevoir, nous contentant de lui offrir de la main une humble salutation. Cette manière parut le surprendre beaucoup, sans pourtant le déconcerter ; il s'arrêta au milieu de la chambre, et nous considéra longtemps l'un après l'autre. Nous gardâmes un profond silence, et usant du même privilège, nous l'examinâmes à loisir. Cet homme paraissait avoir une cinquantaine d'années : il était