Page:Huet - Étude sur les différentes écoles de violon.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BAILLOT. 113

frappé d’admiration pour le style de Viotti, si simple, si expressif, et tout à la fois si majestueux, il s’écria : « Je le croyais Achille, mais c’est Agamemnon."

En 1783, Baillot suivit sa famille à Rome. Là, il eut pour troisième et dernier maître de violon, Pollani, élève de Nardini, qui dans ses leçons ne cessait de répéter à son élève : Bisogna spianare l’arco (il faut étendre l’archet, élargir le jeu). Mais il est vrai de dire que les grandes qualités du talent de Baillot furent celles qu’il puisa en lui-même ; après avoir fait sa principale étude des œuvres de Corelli, Tartini, Géminiani, Bach et Haendel que le hasard lui fit découvrir, Baillot succéda à Rode comme professeur de violon au Conservatoire. Le nombre de grands violonistes qu’il a formés est très-considérable, nous les nommons plus loin.

Grand violoniste solo, Baillot ne put jamais s’élever à toute sa hauteur lorsque la valeur de l’œuvre qu’il exécutait ne l’émouvait pas. A l’Opéra[1], par exemple, où il

  1. Baillot était violon solo à l’Opéra. Voici, racontée par Berlioz, une anecdote qui nous prouvera quel prestige était attaché au nom de Baillot «On avait annoncé sur l’affiche que le solo de violon du ballet de Nina serait exécuté par Baillot ; une indisposition du virtuose, ou quelque autre raison s’étant opposée à ce qu’il pût se faire entendre, l’administration crut suffisant d’en instruire le public, par une imperceptible bande de papier, collée sur l’affiche de la porte de l’Opéra, que personne ne regarde. L’immense majorité des spectateurs s’attendait donc à entendre le célèbre violon. "Pourtant au moment où Nina dans les bras de son père et de son amant, revient à la raison, la pantomime si touchante de Mlle Bigottini ne put nous émouvoir au point de nous faire oublier Baillot. La pièce touchait à sa fin. "Eh bien ! eh bien ! et le solo de violon, dis-je assez haut pour être entendu ? — C’est vrai, reprit un homme du public, il semble qu’on veuille le passer. — Baillot ! Baillot ! le solo de violon ! En ce moment, le parterre prend feu, et, ce qui ne s’était jamais vu à l’Opéra, la salle entière réclame à grands cris l’accomplissement des promesses de l’affiche. La toile tombe au milieu de ce brouhaha. Le bruit redouble. Les musiciens