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TARTINI. — SES COMPOSITIONS. 57

est très-connue depuis que J.-H. Cartier l'a fait graver dans son recueil précieux de la Division des Ecoles (1). Il la tenait de Baillot, qui l’avait obtenue, sans doute, à Rome, de son maître Pollani, un des bons élèves de Tartini. L’astronome Lalande tenait de Tartini lui-même l’anecdote de l’origine de cette sonate, et l'a rapportée en ces termes dans la relation de son voyage en Italie (t. IX, page 55) : « Une nuit, en 1713, me dit-il, je rêvais que j’avais fait un pacte, et que le diable était à mon service ; tout me réussissait à souhait ; mes volontés étaient toujours prévenues, et mes désirs toujours surpassés par les services de mon nouveau domestique. J’imaginai de lui donner mon violon pour voir s’il parviendrait à me jouer de beaux airs : mais quel fut mon étonnement, lorsque j’entendis une sonate si singulière et si belle, exécutée avec tant de supériorité et d’intelligence, que je n’avais même rien conçu qui pût entrer en parallèle ! J’éprouvais tant de surprise, de ravissement, de plaisir, que j’en perdais la respiration : je fus réveillé par cette violente sensation ; je pris à l’instant mon violon, espérant de retrouver une partie de ce que je venais d’entendre ; mais ce fut en vain : la pièce que je composai alors est à la vérité la meilleure que j’aie jamais faite, et je l’appelle encore La Sonate du Diable ; mais elle est si fort au-dessous de ce qui m’avait frappé, que j’eusse brisé mon violon et abandonné pour toujours la musique, si j’eusse été en état de m’en passer" Cette anecdote a fourni à Panseron le sujet d’une pièce de chant avec violon obligé, intitulée : Le Songe de Tartini, qui a eu beaucoup de succès.

(1) On la trouve dans Les Classiques du Violoniste, de M. Alard, Paris, Gérard. — M. Vieuxtemps, le célèbre violoniste belge, a écrit une cadence pour cette sonate. Son élève, M. Viewniaski, l’a exécutée plusieurs fois, à Paris, avec un accompagnement de quatuor.